Ce document d’Action ontarienne a été adapté et traduit d’une ressource créée par l’Ontario Association of Interval and Transition Houses (OAITH) et l’Université de Guelph, accessible sur le site Web de l’OAITH.

Féminicide

Le «féminicide» est communément défini comme le meurtre intentionnel d’une femme en raison de son genre. OAITH et Action ontarienne contre la violence faite aux femmes (Action ontarienne) le définissons comme le meurtre d’une femme (et parfois de ses enfants) ou d’une personne de la diversité de genre tuée par un partenaire intime (ancien ou actuel), un membre de famille, une connaissance ou un inconnu, dans les cas la victime est ciblée en raison de son genre. 

Les médias et la violence fondée sur le genre  

Les médias jouent un rôle important dans la compréhension et la perception du public d’enjeux sociaux (Gillespie et al. 2013). À l’aide de visuels, du choix de mots, de sources et de contenu plus long, les médias ont la possibilité de cadrer le discours dominant. Que ce discours soit exact ou non, le public et les décideurs et décideuses politiques peuvent catégoriser et gérer les questions d’intérêt public d’après cette couverture médiatique en fonction des sources, du langage et du contexte utilisés (Gillespie et al. 2013, 225). 

Selon des recherches, le féminicide est souvent abordé comme s’il s’agissait d’un crime ponctuel ou isolé (Easteal et coll., 2015). Le choix de mots qui blâme la victime, un recours excessif à des sources provenant du système de justice ainsi qu’un manque de contextualisation (p. ex. ne pas mentionner que la victime et l’agresseur avaient une relation ou bien un historique de violence sexiste) contribuent à cette perception. Ainsi, les cas de féminicides rapportés dans les médias manquent souvent de contexte et sont représentés comme des incidents isolés plutôt que partie d’un problème social genré (Gillespie et coll., 2013). En les relatant comme s’il s’agissait d’incidents isolés, l’accent est mis sur les circonstances et les responsabilités individuelles; aucun lien n’est fait avec le rôle du patriarcat et les relations de pouvoir entre les genres dans la cause profonde de la violence masculine contre les femmes et les féminicides (Easteal et coll., 2015). Quand les journalistes excluent des faits importants relatifs à la violence faite aux femmes, ils et elles contribuent indirectement à la persistance de mythes (Easteal, Blatchford, Holland et Sutherland, 2021). Ce type de mythe renforce des idéologies et institutions qui maintiennent l’inégalité des genres. 

Afin de mieux sensibiliser le public à la complexité de la violence basée sur le genre et d’œuvrer vers des solutions, il faut situer les féminicides dans le contexte plus large de violence sexiste; il ne s’agit pas d’incidents isolés. 

Nous présentons ci-dessous des recommandations et pratiques exemplaires pour les médias et journalistes en matière de couverture médiatique de féminicide. Elles peuvent servir à améliorer les reportages médiatiques et la compréhension du public des féminicides et à les contextualiser comme la forme ultime de violence basée sur le genre.  

Conseils, recommandations et pratiques exemplaires

Le langage : à faire et à éviter 

  • Utiliser le terme « féminicide ». 

  • Éviter le langage sensationnaliste et les représentations inutilement graphiques de crimes violents. 

  • Éviter d’employer un langage moralisateur pour décrire la victime. 

  • Éviter d’employer un langage compatissant pour décrire l’agresseur. 

  • Utiliser la bonne terminologie, dire que la violence basée sur le genre constitue un crime, éviter les euphémismes.

  • Éviter d’employer un langage qui évoque une certaine réciprocité entre la victime et l’agresseur, p. ex. « dispute familiale » (au lieu de « violence conjugale »). 

  • Reconnaître que les titres ont une influence considérable. Éviter de renforcer des mythes et des stéréotypes sur le genre dans les titres. 

  • Utiliser la voix active pour rappeler la responsabilité de l’agresseur (p. ex. « il l’a tuée » au lieu de « elle est morte ») et contrer les descriptifs qui excusent l’agresseur en sous-entendant qu’ils sont une exception à la norme (p. ex. parler de « monstre »). 

Inclure des coordonnées et renseignements vers des ressources locales et provinciales pour les survivantes de violence (p. ex. lignes de crise) et inclure les signes avertisseurs de violence et les défis pour les survivantes qui tentent de fuir une situation violente. 

Placer le féminicide et la violence basée sur le genre dans leur contexte social. Ils ne sont pas des incidents isolés. Faire des liens avec les inégalités de genre, la misogynie et l’historique de violence. Examiner le féminicide et la violence faite aux femmes comme des problèmes sociaux. 

Inclure des statistiques et d’autre information contextuelle qui tiennent compte de l’intersectionnalité. 

L’ajout de statistiques locales permet de remettre en cause la conception erronée que certains endroits sont exempts de criminalité, et donc de violence sexiste. 

  • L’historique de violence d’un homme envers une femme est le premier facteur de risque et est souvent pertinent. 

Utiliser des visuels appropriés qui ne représentent pas les femmes comme des objets. 

Consulter et citer des sources expertes, dont des survivantes et des militantes en violence basée sur le genre. Ne pas vous fier à des sources traditionnellement considérées comme « expertes », dont celles provenant de la police, du système de justice ou de l’État ou des documents de cour. 

Éviter de consulter comme sources des connaissances de la victime ou de l’agresseur, car il est improbable qu’elles connaissent le contexte et les circonstances. Parler au lieu aux proches.  

Ne pas responsabiliser ou blâmer la victime pour la violence subie et éviter d’innocenter l’agresseur. Par exemple : 

  • Remettre en cause les mythes qui déchargent l’agresseur de toute responsabilité et blâment la victime.  
  • Éviter de renforcer l’incompréhension et les stéréotypes liés aux personnes plus à risque de violence basée sur le genre. 
  • Éviter de faire référence aux comportements des victimes avant, pendant ou durant un incident de violence.  

Rapporter les formes de contrôle coercitif non physiques (comportements violents visant à contrôler une personne et à limiter sa liberté); plusieurs deviennent les formes plus violentes rapportées dans les médias.

Autres ressources  

Le traitement médiatique de la violence conjugale : outils à l’intention des professionnels et professionnelles des médias d’information, Institut national de santé publique du Québec  

Cette ressource aborde la définition de la violence conjugale et l’ampleur du phénomène au Québec; les enjeux associés au traitement médiatique de la violence conjugale; et les éléments à considérer pour une couverture adéquate de la violence conjugale, y compris des exemples à préconiser et à éviter. 

« Dispute » et « crime passionnel » : comment les médias minimisent les violences envers les femmes 

« “Drame” comme “passionnel” évoquent le domaine du théâtre. L’idée est que l’individu est emporté par une force qui le dépasse et n’est donc plus responsable de ses actes. Parler de “crime passionnel” conduit aussi à déplacer l’accent du crime vers la passion amoureuse et, de ce fait, à dédouaner au moins en partie le coupable, lui-même victime de ses passions ». 

Changer le discours des médias sur les féminicides  

« Une femme est tuée par son conjoint. Ce n’est pas un “crime passionnel” ni un “drame familial”, mais un féminicide : voilà comment on parle du sujet dans les médias en Espagne, pays à l’avant-garde de la lutte contre les violences faites aux femmes. » 

 Le fémicide dans les médias 

Malgré cela, il existe une pénurie de recherches systématiques sur la façon dont les médias canadiens couvrent et représentent le fémicide. Le peu de recherches qui existent indiquent quelques tendances, par exemple, la couverture médiatique insuffisante ou déshumanisante de femmes et filles autochtones et d’autres groupes marginalisés [Gilchrist, 2010; Jiwani et Young, 2006]. La couverture médiatique du fémicide a contribué à la sensibilisation du public, mais on continue toutefois d’identifier des problèmes de couverture, par exemple : la désinformation [y compris le choix des médias de ne présenter que des informations sélectionnées au public], une attention prêtée à certaines formes de fémicide et non pas à d’autres ainsi que des stéréotypes négatifs des femmes.